Dans ta chambre
Cette collection témoigne d’un moment particulier de ma sabbatique. Durant quelques années, j’ai choisi de vivre sans domicile fixe, curieux d’approfondir l’expérience de l’errance (j’avais alors placé tous mes biens en entrepôt).
J’ai vécu un peu partout durant cette période : dans des chambres d’hôtel, chez des amis, chez des gens rencontrés en voyage, dans des chambres d’hôtes, des Airbnb, dans mon Westfalia. (*)
(*) Une partie de ce processus se retrouve aussi dans l’installation vidéo « Jamais Seul », alors que j’ai filmé mes réveils dans ces différents lieux.
Passer ainsi de chambre en chambre m’apportait son lot d’enchantement, mais contribuait à un certain déracinement. La pluralité des espaces visités me fit sentir le besoin de chercher une cohérence entre toutes ces chambres, de me créer un point d’ancrage.
J’ai trouvé en mon corps la réponse attendue. C’est mon corps qui était le fil rouge, l’élément qui reliait tous ces endroits de passage.
J’ai alors commencé à photographier chaque chambre visitée (comme une façon d’archiver ou de collectionner les lieux) en y incluant une composante récurrente, soit mon corps, ma présence physique. La nudité m’est apparue la suite logique de cette exploration. Elle neutralisait en quelque sorte ce qui aurait pu « polluer » l’état du moment (la saison, mon humeur, ce qui restait de linge propre dans ma valise). Habité tout de même d’une certaine pudeur (j’ai choisi de ne jamais dévoiler mon sexe), la nudité supporte le dialogue intime que je souhaitais créer avec le lieu.
Avec l’intime
Dans la sphère de l’intime, la chambre s’accompagne pour moi de toute une charge symbolique. C’est l’endroit où l’on se retrouve enfin loin des regards, allégé des contraintes ou des exigences sociales. C’est, pour plusieurs, le lieu des échanges intimes. Le voyageur solitaire que je fus retrouvait dans la chambre visitée un espace d’apaisement, un moment d’intimité et de liberté avec moi-même.
Ces retrouvailles amoureuses (de moi à moi) m’invitaient à une forme d’« éros créatif », à jouer et à explorer les potentialités du lieu, me rappelant le pouvoir sensuel et ludique de la créativité.
Cette collection révèle en quelque sorte une partie de mon processus créatif, qui tangue entre impudeur et folie. Pendant quelques instants, affranchi du regard des autres, je me suis offert le luxe de ces espaces libres, laissant mon corps et mon esprit être pleinement avec « ce qui est là ».
En terminant
J’ai oublié à qui appartiennent certaines chambres.
Merci de m’avoir laissé dormir chez vous.